Entre espoir et devoir (poème envoyé par Marie le 8/04/2020)


Le réveil
Minuit vient de sonner à la pendule de la maison aux volets jaunes. Une boule de sommeil est restée dans mon gosier, il faut que je me lève pour la décoincer à tout prix. D’habitude, quand je dors mal, quand mon cœur bat le trouble, je compte les moutons et tout finit par rentrer dans l’ordre, mais cette nuit, mon regard a croisé l’étoile du départ et j’ai compris qu’il fallait que je m’absente.
J’ai déchiré le masque des volets de fer et la lumière de la Lune a jailli. On aurait dit que le Soleil était entré dans ma chambre. Je devais avoir à cet instant la visage livide d’une gamine déconcertée. J’ai bouclé mes valises avec du linge que j’avais rangé dans des pots de fleurs après la grande lessive. J’ai chaussé mes bottes de sept lieues et mes gants de bandit. J’ai tiré le rideau brodé. J’ai basculé la poignée du compteur, sans éprouver de douleur. J’ai ouvert la porte et me suis enfoncée dans la nuit. Sur le rebord d’une fenêtre, le beurre dégoulinait…
Le ciel avait ôté sa gaze et il ébrouait ses papilles au-dessus de ma tête. Il m’offrait les couleurs acidulées de l’instant. Moi qui n’avais pas coutume de goûter cette brise légère qui réveillait chaque seconde, je sentais grandir en moi un désir fou et pressé. Je posais ma langue sur ce présent en devenir, qui s’écrirait sur l’écorce du pays. Ma langue barbouillée des myrtilles mangées lors de ma promenade avec un plaisir de loup.
J’abandonnais le quotidien sans lendemain, je fendais le fil du réel, je m’émerveillais d’avance des agapes aux saveurs d’enfance que je trouverais à la croisée des chemins sans fin.
(photos et poème envoyé par Véronique Pédréro le 7/04/2020)
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